GNOSE

Il n’est pas facile de dire ce qu’est la Gnose. Les fanatiques d’étymologie expliqueront que le mot est grec, qu’il veut dire « connaissance », et qu’il désigne d’assez bizarres métaphysiques, mêlées à des mythologies échevelées, qui ont eu cours autour de la Méditerranée, aux premiers siècles de notre ère. Et on se représente des sages légèrement hallucinés, des orateurs ténébreux, des livres inintelligibles.

On n’aurait pas tout à fait tort. Et pourtant on resterait bien loin.

Pour avoir une idée de la Gnose, il faut percevoir le malheur des hommes. Il faut comprendre que ce malheur sera un peu soulagé, si l’on dit : « Ce monde est l’œuvre d’un mauvais dieu. » Je dis bien : « D’un mauvais dieu ». Non pas exactement d’un dieu mauvais. Le créateur, ou, si l’on préfère, le démiurge, est peut-être simplement maladroit, ou un peu sot, ou trop imbu de lui-même. Dans le langage du temps, on disait : « C’est un archonte devenu fou ». Un archonte, c’est-à-dire un responsable, investi d’une haute mission. Un responsable incompétent.

C’était aux meilleurs temps de l’Empire romain. Les hommes entendaient dire de toute part : « La paix s’étend partout ; notre prince est le souverain le plus glorieux qui ait jamais régné ; il est aussi redoutable tant que dure  la guerre que bienfaisant quand elle cesse. C’est presque un dieu sur terre. Et quand il nous quittera, il deviendra tout à fait dieu. Nous l’adorerons. Nous lui  ferons des sacrifices. Nous continuerons à bénéficier de son efficace protection. »

Or les hommes savaient : pour un prince un peu soucieux de ses devoirs, il y en a quatre qui ne rêvent que de se goinfrer.

Alors que les prêtres disent : « Le monde est dans un ordre admirable », la Gnose murmure : « Si la Lumière existe, elle est ailleurs. »

Voilà pourquoi la Gnose revient. Je l’ai côtoyée. Faut-il croire que nous vivons sous la domination de princes voraces, incompétents et brouillons ?

Lucile Saran se demandait si, dans l’opéra de Bontempi, il ne fallait pas déchiffrer un discours gnostique.

Sibylle Roussillon avait autrefois enquêté, au fond de la Basse Normandie, sur une secte mystérieuse ; elle avait pu montrer que les écrits de cette secte usaient d’un vocabulaire gnostique.

Théophile Saran prétendait saisir une inspiration gnostique dans un petit poème en prose que j’ai écrit quand j’étais jeune, et aussi dans l’entretien que j’ai eu avec Sofia Émélianovna Zaretskaïa, entretien qu’elle a enregistré et diffusé. Il se peut qu’il ait raison. Mais qui m’aurait inspiré ? Je suis sûr de n’en rien savoir.

 

Voir     

BONTEMPI GNOSTIQUE

SECTE SUICIDAIRE

RÉCIT DES PREMIERS COMMENCEMENTS

L’ENTRETIEN

SATURNIN SOLACE