DAFNE ou DAPHNÉ

Apollon est un dieu malheureux. Ses amours ont toutes une issue désolante. Coronis lui est infidèle. Marpessa lui préfère un rival. Créüse abandonnée le maudit. Il tue Hyacinthe sans le vouloir. Cassandre se refuse à lui. Daphné aime mieux devenir arbre que de se retrouver dans ses bras.
Il est vrai qu’il est parfois violent. Il supplie, il presse, il menace. Il maîtrise mal la puissance de son désir. Les mortelles ont peur de ce dieu trop vif : sera-t-il constant?
Allégorie, disent les doctes. La beauté est inaccessible. La beauté est déjà perdue. Et tout amour est funèbre. Tout amour montre les lointains du ciel.

Telle est peut-être la pensée de Bontempi au moment où il écrit un nouveau livret. Il se rappelle son Jugement de Pâris. Il avait alors, fidèle à la légende, montré deux amants qui parvenaient ensemble à la félicité. Il n’avait pas pour autant oublié Œnone, l’amante abandonnée. Œnone en proie aux brutes.(1)
Maintenant il peint, à côté des amours d’Apollon, les joyeuses aventures de bergers, de bergères et de chasseurs, que n’émeuvent pas les arcanes de la haute musique. Aussi les fait-il plus souvent déclamer que chanter. Sans le savoir il invente l’opéra-comique.
Il n’a pas pourtant lésiné sur les dieux. Il avait un  modèle : la Dafne de Martin Opitz, pour laquelle Schütz avait composé de récitatif et des airs. Le poète se contentait, avec Apollon, de Vénus et de Cupidon. Bontempi ajoute Pallas et Junon, et Bacchus et Mars et Jupiter. Manque Mercure.
Est-ce pour cette raison que Bontempi proposa à Peranda de raconter, en musique, l’histoire d’Io? C’est en effet grâce à Mercure que la jeune fille, transformée en vache, échappe à Argus et s’enfuit en Égypte, où elle devient la déesse Isis. Elle retrouve sa forme humaine. C’est en souvenir de ses aventures que les prêtres ont représenté Isis-Hathor avec des cornes.

Bontempi a foi en cette histoire, comme, semble-t-il, tous ses contemporains. Et il sait qu’Isis n’est pas absente des mystérieux écrits d’Hermès Trismégiste.

Fausta Peranda rêve de démontrer que son semblant d’ancêtre a inspiré Lully. On sait que, en 1677, Isis a mis en fureur la marquise de Montespan, maîtresse de Louis XIV : elle s’était reconnue en Junon.

 

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